MINIATURISTE : envoûtement et fascination garantis

UN COUP DE ♡ RARE

Fascinant.
Je ne trouve pas meilleur épithète afin de qualifier ce roman dont l’univers ne m’est habituellement pas familier ; un roman devant lequel je serais passée sans m’arrêter si le libraire n’avait eu l’intelligence de coller un post-it de quelques mots dessus : « Un roman passionnant, atypique, où chaque page révèle un secret ». Rapide, efficace. Sans plus réfléchir, j’étais convaincue, je décidais de faire confiance et j’achetais le livre !

Amsterdam, 17ème siècle, époque florissante pour la richissime cité de marchands, en proie aux paradoxes d’une période tiraillée entre liberté et répression bigote.
La population s’épie, cancane, dénonce, condamne. Une seule solution pour passer inaperçu, se fondre dans la masse : tricher, travestir la réalité, donner à voir ce qu’il est satisfaisant et convenable de voir. C’est parfois une question de survie.

C’est dans cet univers que débarque la toute jeune provinciale Nella, 18 ans, issue d’une famille ruinée. Elle vient de contracter un mariage d’intérêt avec l’un des plus riches et fameux marchands amstellodamois, le Seigneur Brandt, âgé de 39 ans.
Comme cadeau de mariage, son époux, un homme bon, sensible et généreux, lui offre un présent pour le moins surprenant : un cabinet. Ce qui à l’époque n’avait rien d’un lieu d’aisance, mais était une très luxueuse maison de poupées destinée essentiellement aux riches adultes, laquelle représentait leur propre demeure.
D’abord surprise, voire vexée, Nella va devoir meubler ce singulier cadeau. Le faire vivre… et dieu sait qu’elle n’imagine alors pas à quel point cet objet vivra et délivrera des messages qu’il lui faudra décrypter si elle veut comprendre son environnement, diriger enfin sa vie, son destin et éloigner les dangers !
Pour ce faire, la jeune femme fera appel à un mystérieux et fuyant miniaturiste qui façonnera à la demande les objets qu’elle lui commandera. A la grande surprise de Nella le miniaturiste ne lui livrera pas simplement le travail commandé, mais ajoutera, gracieusement à chaque nouvel envoi, d’autres objets.
Pourquoi ? Quel est son but ? Que cherche t-il ? Et comment est-il capable de reproduire à l’identique les personnes, les animaux, les meubles, les objets peuplant cette maison ? Comment est-il possible que certains objets changent en fonction des évènements, afin de coller à la réalité ? Espionne t-il la maison, son intérieur, la vie de Nella ? Est-il devin ?
Et pourquoi sa nouvelle famille, comme la domesticité, la tiennent-elles éloignée de toutes les affaires familiales ? Que lui cache t-on ?
Pourquoi tant d’hostilité de la part de sa belle-sœur, habitant toujours sous son toit ? Qui est vraiment cet époux toujours absent ?

Vous le découvrirez peu à peu au fil des pages, comme les Amstellodamois voguent au fil de l’eau… en allant de mystère en mystère, de surprise en surprise… en plongeant dans cet univers à l’atmosphère aussi brouillardeuse et envoûtante que peuvent l’être les canaux de la sublime Amsterdam en hiver.

Cabinet Miniaturiste

« — Est-ce que les épouses assistent souvent à ces fêtes ?
— Les femmes sont en général proibido, sauf en de rares occasions, répond-il avec un sourire. Même si les femmes d’Amsterdam jouissent d’une liberté que ne connaissent ni les Françaises ni les Anglaises.
— Liberté ?
— Les dames peuvent circuler seules dans la rue. Les couples peuvent même se tenir par la main. Cette ville n’est pas une prison, ajoute Johannes en regardant par la fenêtre, à condition d’y tracer sa route correctement. Les étrangers peuvent s’offusquer, marmonner leur jamais-je-ne, mais je suis sûr qu’ils nous envient. »

«  Adultères. Hommes d’argent. Sodomites. Voleurs — méfiez-vous d’eux ! Débusquez-les ! Prévenez votre prochain si vous pressentez l’ombre d’un danger ! Ne laissez pas le mal passer votre seuil car, une fois le chancre installé, il sera ardu de le déloger. Le sol sous nos pieds va s’ouvrir, la colère de Dieu s’insinuera dans la terre.
— Oui, crie à nouveau l’homme dans la foule, oui ! 
Dhana aboie et s’agite.
Tais-toi ! murmure Cornelia.
— Que pouvez-vous faire pour qu’il s’en aille, tonne Pellicorne, sa voix revenue à son plein volume, les bras écartés tel le Christ en personne. Aimer. Aimez vos enfants, car ils sont les graines qui feront fleurir cette ville. Maris, aimez votre épouse et femmes, soyez obéissantes, car tout cela est saint et bon ! Gardez vos maisons propres, et vos âmes suivront l’exemple !  »

Miniaturiste

« Le pain d’épices a été interdit, soupire Hanna. En tout cas les gâteaux en forme d’êtres humains. J’ai cru qu’Arnoud allait nous pondre un œuf, tant il était furieux ! On a dû écraser toute la production et la vendre en miettes.
— Quoi ? Pourquoi ?
— Les bourgmestres », dit-elle, comme si ça expliquait tout.
Cornelia frissonne. Arnoud confirme que les biscuits en forme d’hommes et de femmes, de garçons et de filles ont été bannis des commerces, en même temps qu’on fermait les échoppes des vendeurs de poupées sur le Vijzeldam. Ça aurait un rapport avec les catholiques, dit-il, une histoire de fausses idoles et de supériorité de l’invisible sur le tangible. »

Si vous avez la chance de connaître la douce Amsterdam, en lisant ce palpitant roman vous serez virtuellement projeté dans les lieux que vous aimez, vous retrouverez les décors du centre, des canaux, les luxueuses maisons penchées à pignon… certes, sans voitures, ni vélos, ni touristes, et avec sans doute moins de propreté ! Et si vous ne connaissez pas encore cette ville, peut-être que la magie de ce roman vous donnera envie d’aller passer un week-end à flâner, goûter à la tranquillité amstellodamoise, visiter l’extraordinaire Rijkmuseum… où l’on peut voir la maison de Nella…

Miniaturiste de Jessie Burton, édité chez Folio, 8,20€
Edition française, traduit de l’anglais, d’abord parue chez Gallimard.

Avis billet Petit Lu

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23 commentaires pour MINIATURISTE : envoûtement et fascination garantis

  1. Cécile C dit :

    Bonsoir mon PtiLu,
    Ben là, j’avoue je sais pas si j’ai envie de lire ce livre … mais si je le trouvais à la bibli municipale, pourquoi pas. Disons que je ne l’achèterais pas … Mais la critique que tu en fais me fais penser au livre de Jose Luis Zafon, l’ombre du vent, que j’ai adoré …

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    • LYDIE dit :

      Hello !
      Je ne comprends pas. C’est ma critique qui ne te donne pas envie ? Pourtant tu dis avoir adoré l’ombre du vent auquel ma critique te fait penser ? Je trouve ça antinomique, donc je m’interroge… Peux-tu expliciter ? 🙂

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      • Cécile C dit :

        Ooups, pardon si je me suis mal exprimée… c’est tout moi, ça 😲 Ta critique est bonne, je te rassure. J’ai peut-être peur de trouver dans le livre dont tu parles une histoire qui serait plus forte que celle de Zafon… qui fait partie de mes meilleurs souvenirs. Suis-je plus clair ? Non 😉😇 c’est normal, je suis l’ambivalence à moi toute seule …
        Ce qui est génial, c’est que l’on peut débattre et ça c’est bien…
        Longue vie à ton blog

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        • LYDIE dit :

          Tes explications sont étranges effectivement. Claires, mais étranges. Un peu comme si, alors qu’on t’offre plus de plaisir, tu le refuses de peur que ce soit trop, ou que cette nouvelle expérience devienne numéro un, reléguant la précédente en seconde position.
          Il faudra impérativement que je relise Zafon, sur lequel tout le monde s’extasie. Il faut que je relise, surtout que Barcelone et la Catalogne sont dans mon cœur et que, malgré tout, je n’ai pas accroché pareillement. Il suffit de ne pas être dans l’état d’esprit convenant à un moment donné, et on passe à côté d’une merveille. Donc, je vais ressortir l’Ombre du Vent (car j’imagine que c’est de ce livre dont tu parles ?).
          Mais avant, j’ai d’autres ouvrages en attente, d’autant plus que j’ai craqué hier sur deux livres (non prévus) chez Cultura (je suis fan de cette enseigne où je m’adonne aux loisirs créatifs en plus de passer des heures à la librairie !) (ce n’est pas de la pub, juste un élan du cœur !)… donc deux livres, le dernier de Joann Sfar auquel je n’ai pu résister bien qu’il ne soit, bien entendu, pas en format poche et, le coup de cœur d’une des libraires à laquelle j’ai décidé, comme pour Miniaturiste, de faire confiance.
          J’ai rencontré à cette occasion la libraire qui avait collé l’avis m’ayant donné envie de lire Miniaturiste. Imagine alors deux fans s’extasiant sur l’objet de leur passion ! Forcément, elle était ravie de croiser quelqu’un qu’elle avait convaincu, et moi de partager avec elle !

          Cela dit, même si ça déçoit toujours (l’humain aime tant les compliments… 😉 L’égo est si chatouilleux… ), surtout quand on y a mis tout son cœur et qu’on espère faire partager sa passion, il est parfaitement légitime de trouver une critique sans intérêt ou ne donnant pas envie de lire… mais si tu as aimé, youpiiiii !
          Quant au débat, c’est ce que je souhaite justement, et c’est pour cela que je suis navrée quand les gens laissent leur avis sur FB notamment. Ce médium morcelle les conversations et surtout perd les commentaires. Et quoi qu’on me dise, je ne vois pas en quoi il est plus aisé d’écrire sur FB.

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          • Cécile C dit :

            Tu m’as bien cernée, je suis trouillarde !!! J’ai peur d’être déçue, en fait … Je vais laisser mûrir ta critique du livre dans un coin de ma tête et peut-être un jour … Je vais en parler avec mon libraire … merci pour tes mots, ce débat que je trouve enrichissant

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          • LYDIE dit :

            PS : Je me réponds…
             » Oui bécasse ! Bien-sûr que c’est de l’Ombre du Vent dont elle parle ! Elle le cite dans son premier com !  »
            Voilà, je me suis auto flagellée. 😀

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  2. Morrigan dit :

    …m’a l’air très très intrigant tout ça….ça me titille du coup. Et comme j’aime découvrir de nouveaux univers je m’en vais chercher ce « précieux » (sans majuscule pour l’instant car pas lu et apprécié) dans les sphères nébuleuses de brocante livre du net, tout en faisant des ronds de jambes à ma biblio pour les nouveaux achats (..ben vouiii…si à chaque fois j’achète plein pot un book je te dis pas l’état du compte en banque début mois/milieu/fin… = R.O.U.G.E ECARLATE !!!!). Mais ta critique m’interpelle alors si je dépasse mon budget livres sur le mois… .. m é f i e s – t o i . …. … … je t’en tiendrai absolument et intégralement responsable !!! (=je t’envoie facture et banquier pour répondre de mes actes !! ) ( = t’avais qu’a pas faire des critiques aussi dithyrambiques !)(NA !) (ou comment se faire offrir des livres … 😀 )

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    • LYDIE dit :

      Ma bonne Morrigan,
      Je suis surtout désolée pour ton budget Reblochon, Abondance, Raclette IGP et Beaufort qui va devoir être revu à la baisse. Il faut parfois faire des choix dans la vie : Berthoud, fondue et raclette, ou lire !
      Je suis si heureuse de parvenir à partager mes enthousiasmes si tu savais. Je pense que c’est un peu comme les applaudissements pour un artiste !
      En même temps, quelle responsabilité parce que dans un coin de l’esprit je ne peux que me dire,  » Pourvu qu’ils aiment !!!  »
      J’ai rencontré aujourd’hui une libraire elle aussi pleine d’enthousiasme pour les ouvrages qu’elle aime… c’est vrai qu’ils sont dangereux ces gens là ! 😉

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  3. TiteZa dit :

    Ta présentation de ce nouveau roman aiguise grandement ma curiosité. A glisser dans ma bibliothèque prochainement !
    Et puis je ne connais pas Amsterdam … sauf l’aéroport point de passage vers d’autres destinations.
    Bonne soirée Lydie 😉

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    • LYDIE dit :

      Alors comment dire ?… Pour faire simple : l’aéroport était en construction au 17ème siècle. Oui voilà, donc tu connais Amsterdam ! Et maintenant, il va falloir en sortir de cet aéroport, voire prendre la Thalys ou la voiture pour y passer un week-end épuisant tant il y a à voir, mais tellement jouissif !
      J’espère que tu reviendras sur cette page donner ton avis après lecture ! 🙂

      Merci beaucoup et excellent soirée !

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  4. delphdolce dit :

    Hello!
    Et bien il est dans ma wishlist!
    Entre elle et ma PAL… me faudrait arrêter le temps pour lire^^
    Merci de ta critique, elle attise ma curiosité !

    D.

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    • LYDIE dit :

      Merci surtout à toi d’avoir pris le temps de me lire !
      J’espère avoir ensuite les retours de ceux qui m’auront accordé leur confiance, en espérant (je tremble…) qu’ils aient aimé. 🙂

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      • delphdolce dit :

        Ah les goûts et le couleurs…
        Le plus important est de partager tes avis 😉

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        • LYDIE dit :

          Certes, et merci encore pour tes encouragements. Mais, c’est une responsabilité, car forcément, si le lecteur n’apprécie finalement pas l’ouvrage, il sera déçu.
          Alors bien-sûr, on peut rester positif en espérant qu’il reviendra, sans arme et sans envie d’en découdre, expliquer ce qui ne l’a pas emballé…

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  5. Stéphanie dit :

    bien bien bien….. sitôt ta critique avalée, sitôt le livre acheté…. Je t’en parle dans quelques temps !
    tu donnes envie il n’y a pas à dire et que j’aime au final ou non l’ouvrage, ce n’est, là de suite, pas important puisque seul compte le désir de lire un bouquin vers lequel je ne me serais pas d’ordinaire dirigé. et c’est une partie du plaisir de lire que d’être tentée aussi agréablement par l’inconnu !

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  6. unfilalapage dit :

    Oh oui ! Je me suis longuement arrêtée devant cette maison l’année dernière, lors de mon séjour à Amsterdam ! J’adore l’idée !

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    • LYDIE dit :

      Alors achète-le, craque ! 8 euros ! 8.
      Une ambiance incroyable. Et dis-moi ce que tu en as pensé. J’ai tellement hâte d’avoir des retours à propos de mon coup de cœur… Je piaffe, je trépigne !
      (juste une erreur relevée que je veux attribuer à la traduction : les stylos au 17ème siècle… ça se saurait !) (je suis tellement agacée par les idioties qui souvent émaillent les romans que produisent, quasiment à la chaîne, certains auteurs à la mode !)

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  7. La Carne dit :

    J’avoue que l’histoire me motive peu. Tu en parles bien. Sans doute le mot du libraire m’aurait tentée aussi. Mais le résumé et les extraient m’invitent moins à la lecture. pas d’argument. juste un ressenti.

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